Espaces-Temps
ESPACES-TEMPS
2013-2020
Dans une Russie qui tourne sur elle-même à 180° périodiquement les époques se mêlent et se superposent dans un pays à la géographie démesurée. Au gré d’explorations, à Moscou, au cœur de l’hiver sibérien, l’été le long de la Volga, de Mourmansk à Vladivostok, je me suis concentré sur ces superpositions temporelles qui font de la Russie un pays où l’espace et le temps sont si singuliers qu’ils semblent parfois irréels.
Pour vous il n'existe ni patrie, ni exil
POUR VOUS IL N'EXISTE NI PATRIE, NI EXIL
2013 - 2019
Olivier Marchesi nous entraîne dans un monde empreint de silence et de mystère. L’aspect pictural, quasi-abstrait, des images est accentué par la méthode de tirage noir et blanc très particulière choisie par le photographe : le révélateur lith. Ce procédé ancien, aux origines incertaines, donne un rendu proche de celui de l’estampe, riche en matière, et, par son caractère d’imprévisibilité, il laisse la porte ouverte à l’inattendu. L’ayant essayé avec succès sur un négatif datant de quelques années déjà, Olivier Marchesi a réitéré ponctuellement l’expérience, constituant petit à petit une série inédite à partir de travaux préexistants, en une sorte de redécouverte de terres déjà parcourues. Grâce à une technique du passé, Olivier Marchesi peut ainsi évoquer, entre rêverie poétique et réalisme, l’histoire agitée d’un pays qu’on devine souvent âpre sous l’apparente douceur et l’intemporalité des images.
Valérie Douniaux, docteur en histoire de l’art

69°06’56.7 N 35°03’10.9 E

58°27’17.7 N 59°14’37.2 E
Un rêve, c’est moins
Qu’un pli de dix grammes.
Marina Tsvétaïeva – Envoyé de la mer
Сон, это меньше
Десяти грамм.
Марина Цветаева – С моря

61°47’20.4 N 37°43’35.1 E

50°33’13.1 N 127°49’15.2 E

58°41’26.7 N 34°06’57.3 E

53°03’56.1 N 106°56’09.1 E

45°02’16.2 N 136°37’55.5 E

1768
Camarade, tiens le fusil sans peur !
Flanquons une balle à la sainte Russie,
La matoise,
La Russie des isbas,
Au gros cul !
Eh, eh, la sans croix !
Alexandre Blok – Les douze
Товарищ, винтовку держи, не трусь!
Пальнем-ка пулей в Святую Русь —
В кондовую,
В избяную,
В толстозадую!
Эх, эх, без креста!
Александр Блок – Двенадцать

1917-1991

46°16’49.5 N 44°00’40.0 E
Le communisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification de tout le pays.
Lénine – Discours au 8ème Congrès des Soviets
Коммунизм — это есть советская власть плюс электрификация всей страны.
Ленин – Выступление на VIII съезде Cоветов CCCP

1987

56°25’17.0 N 68°02’40.9 E

50°33’27.3 N 127°50’29.9 E
Il n’est pas une de nos soirées, pas un de nos festins qui ne se passe en disputes sur la Russie, son passé, son présent et surtout son avenir. Tous en parlent, et depuis combien de temps ?
Vladimir Sorokine – Roman
У нас ни одной вечеринки, ни одного застолья не проходит без споров о России. О ее прошлом, настоящем, но больше о будущем. Спорят все, и спорят уже довольно долго.
Владимир Сорокин – Роман

2013

1954

68°25’26.9 N 33°20’40.4 E

59°56’54.8 N 30°19’38.6 E
Посинелые стиснув губы,
Обезумевшие Гекубы
И Кассандры из Чухломы
Загремим мы безмолвным хором,
Мы – увенчанные позором:
«По ту сторону ада мы».
Анна Ахматова – Поэма без героя
Pinçant nos lèvres bleuies,
Hécubes devenues folles,
Cassandres de Tchoukhloma
Portant des couronnes de honte,
Nous serons un chœur de silence :
« Au-delà de l’enfer, il y a nous. »
Anna Akhmatova – Poème sans héros

1594 & 1856

65°00’59.4 N 35°42’07.2 E

65°00’58.9 N 35°42’03.7 E

50°24’20.4 N 86°52’22.0 E
Nuages du ciel, éternels pèlerins !
En steppe d’Azur et en chaîne perlée
Vous semblez fuir, tout comme moi exilés
Du Nord chéri vers les contrées du Sud.
Qui vous chasse ? Est-ce l’arrêt du destin ?
Une jalousie cachée ou une haine ouverte ?
Ou bien sur vous pèserait un forfait ?
Ou bien vos amis vous auraient calomniés ?
Non, c’est l’ennui de ces plaines stériles…
Etrangers aux passions, étrangers aux tourments,
Eternellement froids, libres éternellement,
Pour vous il n’existe ni patrie, ni exil.
Mikhaïl Lermontov – Nuages noirs
Тучки небесные, вечные странники!
Степью лазурною, цепью жемчужною
Мчитесь вы, будто как я же, изгнанники
С милого севера в сторону южную.
Кто же вас гонит: судьбы ли решение?
Зависть ли тайная? злоба ль открытая?
Или на вас тяготит преступление?
Или друзей клевета ядовитая?
Нет, вам наскучили нивы бесплодные…
Чужды вам страсти и чужды страдания;
Вечно холодные, вечно свободные,
Нет у вас родины, нет вам изгнания.
Михаил Лермонтов – Тучи

46°04’59.0 N 47°39’56.3 E
Il faut bien, quand même, que chaque personne ait un endroit où aller.
Il arrive toujours un moment où il faut absolument partir quelque part, n’importe où !
Fiodor Dostoïevski – Crime et châtiment
Ведь надобно же, чтобы всякому человеку хоть куда-нибудь можно было пойти.
Ибо бывает такое время, когда непременно надо хоть куда-нибудь да пойти!
Фёдор Достоевский – Преступление и наказание

45°01’59.9 N 136°38’26.2 E

69°10’05.8 N 35°09’34.3 E
Moskva Dystopia
MOSKVA DYSTOPIA (dystopie à Moscou)
2013-2014
En décembre 2021, la directrice artistique de la revue Esquire en Russie me contacte pour publier une série de photos accompagnant un récit de science-fiction dans un Moscou dystopique. Début février la série est publiée. Le 24 février 2022 la Russie envahit l’Ukraine. Un mois plus tard la revue Esquire cesse sa publication en Russie. Les diverses temporalités qui ont rythmé la vie de la Russie pendant un siècle de révolutions se brouillent dans ce présent vertigineux où cohabitent l’URSS, le futurisme du siècle XXI et le retour de l’orthodoxie tsariste. Ville démesure, à la verticalité écrasante, Moscou est dystopique au présent.
Nos enfants des étoiles
NOS ENFANTS DES ÉTOILES
en cours depuis 2009
De quelles couleurs sont les souvenirs ? J’ai posé cette question à ma fille aînée de 12 ans en lui montrant les photos de sa petite enfance. “Je crois qu’ils n’en ont pas, ou alors ils sont d’une seule couleur et pas toujours”. Nos enfants des étoiles est une série sur des perceptions originelles et leur souvenir. Sensations de l’enfance, mémoire d’émotions primitives, de l’éblouissement du soleil à la douceur de la chair. De quelle couleur est la lumière ?
Le pavé parisien

LE PAVÉ PARISIEN
2017 - 2022
LE PAVÉ PARISIEN – nous retrouverons les jours heureux est une traversée poétique de la ville de Paris qui se joue pendant un quinquennat, de 2017 à 2022. Des gilets jaunes au grand confinement, en passant par l’incendie de Notre-Dame ou le mouvement Black Lives Matter, Olivier Marchesi photographie la rue et ces événements, en quête de leur signification d’ensemble.


Notre-Dame – février 2018

Périphérique extérieur – juin 2020

Arc de Triomphe – octobre 2021
LE PAVÉ PARISIEN
nous retrouverons les jours heureux

Place de la Nation – 17 mars 2020 – Midi moins le quart. Dans 15 minutes débutera le grand confinement qui durera jusqu’au 11 mai.



« L’homme vit dans un cadre assez limité spatialement, si l’on pense à l’étendue qui lui appartient en propre [...] Mais ce qui compte, c’est ce droit qui lui est reconnu d’aller ici ou ailleurs, de marcher sans trêve, s’il en a le loisir. Nul ne peut lui contester ce privilège de vaquer au milieu de ses semblables. »
Pierre Sansot
Poétique de la ville




Un incendie ravage la cathédrale Notre-Dame de Paris, les 15 et 16 avril 2019, pendant près de 15 heures.


Champs Élysées – 24 novembre 2018 – Pour leur acte II Les gilets jaunes occupent les Champs-Élysées. La police est débordée. Le mouvement s’installe dans la durée.
« La confusion profonde, l’incrédulité même, qu’affichent les commentateurs en France et à l’étranger face à chaque nouvel « acte » des « gilets jaunes », qui s’approche à grands pas de son apogée insurrectionnel, résulte d’une incapacité quasi complète à prendre en considération les changements du pouvoir, des travailleurs et des mouvements qui se sont élevés contre le pouvoir au cours des cinquante dernières années. »
David Graeber
Le Monde, 7 XII 2018
« Le présent se mêle au passé et le rend vivant sur cette avenue tant de fois mêlées aux vents de l’histoire. Parmi les gilets jaunes, la Révolution est une référence obsédante. On envahit les Champs comme on reprendrait la Bastille. On veut atteindre le lieu du pouvoir, en son sommet, lieu où les richesses tout comme la domination sociale se concentrent, symbole et métaphore d’inégalités vertigineuses. »
Ludivine Bantigny
La plus belle avenue du monde
Passerelle Leopold Senghor – 12 janvier 2019 – Acte VIII

Avenue Daumsenil – 19 janvier 2019 – Acte IX

Place de la République – 19 janvier 2019 – Acte XI

Les Halles – 18 mars 2019 – Acte VXIII








La place de Grève est presque vide, mais c’est une illusion.
Les journaliers y cherchent du travail depuis dix siècles.
On y traîne, on y donne rendez-vous, on y aime, on y meurt.
On y fait la révolution.
Impeccablement ordonnée, épouvantablement détruite, méthodiquement nettoyée de ses éléments les plus indésirables, quadrillée par la triple puissance des forces de sécurité, des caméras de surveillance et de l’argent roi, Paris, ville alchimique, cache un feu d’indocilité prêt à reprendre à la moindre étincelle.
Le peuple de France sait qu’ici se dessinent les grandes lignes de son destin, et que les ors de la République, orgueil des princes et des institutions, ne peuvent être acceptés que si leur légitimité apparaît au plus grand nombre comme évidente.
En cinq ans, Paris a une nouvelle fois montré son étonnante plasticité. Un photographe était là, en témoin, dans la rue, avec les fantômes et les vivants, et nul doute que nous sommes bien dans le joyeux free-jazz de la ville Lumière, capitale mondiale, telle est du moins sa plus belle tradition, de la sensualité voluptueuse et de la raison émancipatrice.
Nous ne le voyions plus, aveuglés par les promesses fallacieuses de la communication intégrale, mais le peuple est là, en corps, en visages, en gestes, dans la rue, sur le pavé, là où commence naturellement le politique, cette noble dimension de l’égalité détournée par les calculs souvent médiocres des professionnels de la politique. On se masque, on se protège, et l’on se regarde une dernière fois avant de vider les lieux. Un virus nous chasse de l’espace public mieux que tous les barons Haussmann réunis. Il n’y a plus rien à voir, tout à ressentir.
Le visage de la France d’aujourd’hui est plus que jamais multiculturel, pardessus à l’ancienne et café à emporter, vélo électrique et tags rageurs, barricades et gaz lacrymogènes. Notre-Dame flambe, c’est un phénix, une voiture de police brûle, qui ne l’est pas. La rue est en crue, l’ange de l’Histoire est un pigeon égaré, et nos amours sont plurielles.
Attentif aux visages de la jeunesse, à son énergie, à sa spontanéité, à son sentiment de l’injustice, Olivier Marchesi fait le pari de la présence obstinée du peuple contre le flux de l’instantanéité oublieuse.
Voici Paris, capitale du XXIème siècle.
Fabien Ribéry


Février 2022, alors que la campagne de l'élection présidentielle tarde à se mettre en place en raison de la levée des dernières restrictions liées au COVID, la Russie envahit l'Ukraine. Nous ne mesurons peut-être pas encore à quel point ces cinq années 2017 - 2022, qui correspondent au premier quinquennat d'Emmanuel Macron, sont une charnière dans notre histoire contemporaine. Une époque a pris fin.
Le livre Le Pavé Parisien a été publié en avril 2022.

Le grand salon
LE GRAND SALON
2011 - 2012
Quand les promoteurs sont venus lui proposer le rachat de son café et de sa maison, Salah leur a dit non, qu’il souhaitait rester et mourir chez lui. Depuis ce café “Chez Salah” est devenu un symbole, perdu dans ce no man’s land du quartier ouvrier détruit, habitations et fabriques. A la place “le site de l’Union vise à devenir un modèle de ville durable où se mélangent logements, activités économiques et équipements, cet ancien site industriel de 80 hectares constitue actuellement l’un des projets de renouvellement urbain les plus importants en France”, vantent les communicants du projet. A Roubaix, dans le Nord de la France, cette région qui a payé le prix fort de la désindustrialisation des pays ouest européens, Salah a été soutenu, par des associations, des documentaristes, des journaux et son café est toujours là, fier d’être encore debout. Un David et Goliath revisité.